les vies extraordinaires d'eugène
Il est des livres qui vous troublent et qui continuent à vivre en vous après leur lecture. "Les vies extraordinaires d'Eugène" ont commencé à me hanter dès que mon regard a croisé sa couverture dans un rayon de Cultura à l'automne.
Je ne pouvais qu'être captée par ce titre, et par ces deux mots qui pour moi sont si liés: extraordinaire et Eugène.
J'ai tourné autour, l'ai pris, reposé, me suis renseignée sur internet, ai décidé de ne pas le lire, trop dur, trop bouleversant... Et puis il m'attirait comme un aimant ce livre, je ne pouvais passer dans une librairie sans me retrouver avec lui dans les mains. Ce livre voulait que je le lise, j'avais besoin de lire ce livre.
Je l'ai commandé pour noël, l'ai reçu le 22 décembre, commencé le 22 et fini le 22.
Isabelle Mo
nnin raconte la plus terrible des histoires, celle de la perte d'un enfant. Né à 6 mois de grossesse, le petit Eugène meurt 6 jours plus tard d'un choc toxique du à un staphylocoque doré. Sa mère perd la parole "parce qu'il n'y a plus rien à dire" et son père ne peut se résoudre à laisser son fils tomber dans l'oubli. Pour qu'Elle reparle, il va mener son enquête pour découvrir qui était son fils, qui il serait devenu, quels auraient été ses amis. Il va lui rendre son fils.
Comme le dit MMM: "on va en faire un film!" Non, je ne pense pas, on ne fait pas de film sur cette douleur là, une folie peut être pour certains. Et il n'y en a pas besoin. Le texte est écrit par un grand reporter qui nous fait vivre chacun des moments de cette histoire. On est assis sur cette chaise, à côté du papa lorsqu'il inscrit son fils à la crèche pour imaginer l'environnement de son fils, on est sur un tabouret de bar lorsqu'il converse avec l'infirmière qui s'est occupée du bébé, un bébé si gentil... Ce bébé qui n'est pas "une fausse couche", et qui a 3 anniversaires: celui de sa naissance, celui de sa mort et celui de la date à laquelle il aurait du naître.
Non, il n'y a pas de mots... Les seuls mots de réconfort viendront d'un grand père malade de la maladie d'Alzheimer : " ton p'tit gars, il méritait pas çà, de se retrouver tout mort comme çà.". Il n'y a que dans la déraison qu'Il trouve du soutien.
Pour qu'Elle reparle, Il va donner du poids et des souvenirs à une petite existence de 6 jours "même pas deux samedis!" Et Eugène va vivre 1 an!
J'avais lu que ce livre était très éprouvant à lire, je n'ai pas trouvé, la vie m'a endurcie sur certains sujets... Mais je confesse avoir pleuré à la lecture de sa lettre à Elle, son au revoir à son petit dans l'avant dernier chapitre. Parce que je me suis vue à sa place, parce qu'il s'en est fallu de peu que nous aussi, nous perdions notre petit garçon. Comme eux, j'ai respiré les habits de mon enfant, pour sentir son odeur... longtemps... J'ai arrêté l'année de ses trois ans, lorsque j'ai enfin cessé de croire qu'il me serait enlevé brusquement, parce que ce bonheur là, c'était trop! Ca n'aurait pas du être pour nous... Un bonheur volé... Parfois, çà m'arrive encore, furtivement...
A la fin de ma lecture, j'ai repoussé doucement ce livre, et je suis allée prendre mon fils dans mes bras, mon Eugène bien vivant! Il riait, il jouait avec ses petites voitures...
Ce premier roman, malgré son sujet lourd et triste, reste, dans sa rédaction et son intelligence, un grand roman. Un roman nouveau, visuel et psychologique, d'une grande finesse, dans lequel on se retrouve ou non, un roman social, qui fait réfléchir, un roman d'espoir parce que comme il est écrit au dos du livre:
"Les vies imaginaires ne sont pas toujours les moins raisonnables."
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